Ce matin j'ai trouvé ce texte dans ma boîte aux lettres, une fois de plus mon papa avait fait mouche.
Ce texte vient du site http://www.da-esterel.fr :
Jean,
J'aimerais te laisser tranquille, au
repos dans cette terre choisie. J'aurais aimé que ta voix chaude ne
serve maintenant qu'à faire éclore les jeunes pousses plus
tôt au printemps, la preuve, j'étais à Entraigues il n'y a pas si
longtemps et je n'ai pas souhaité faire le pèlerinage. Le repos c'est
sacré !
Pardon te t'emmerder, mais l'heure
est grave, Jean. Je ne sais pas si là où tu es tu ne reçois que le
Figaro comme dans les hôtels qui ne connaissent pas le débat
d'idées , je ne sais pas si tu vois tout, de là haut, ou si tu n'as
que les titres d'une presse vendue aux argentiers proche du pouvoir pour
te tenir au parfum, mais l'heure est grave!
Jean, écoute-moi, écoute-nous, écoute
cette France que tu as si bien chantée, écoute-la craquer, écoute la
gémir, cette France qui travaille dur et rentre crevée le
soir, celle qui paye et répare sans cesse les erreurs des puissants
par son sang et ses petites économies, celle qui meurt au travail, qui
s'abîme les poumons, celle qui se blesse, qui subit les
méthodes de management, celle qui s'immole devant ses collègues de
bureau, celle qui se shoote aux psychotropes, celle à qui on demande
sans cesse de faire des efforts alors que ses nerfs sont
déjà élimés comme une maigre ficelle, celle qui se fait virer à
coups de charters, celle que l'on traque comme d'autres en d'autres
temps que tu as chantés, celle qu'on fait circuler à coups de
circulaires, celle de ces étudiants affamés ou prostitués, celle de
ceux-là qui savent déjà que le meilleur n'est pas pour eux, celle à qui
on demande plusieurs fois par jour ses papiers, celle
de ces vieux pauvres alors que leurs corps témoignent encore du
labeur, celles de ces réfugiés dans leurs propre pays qui vivent dehors
et à qui l'on demande par grand froid de ne pas sortir de
chez eux, de cette France qui a mal aux dents, qui se réinvente le
scorbut et la rougeole, cette France de bigleux trop pauvres pour
changer de lunettes, cette France qui pleure quand le ticket
de métro augmente, celle qui par manque de superflu arrête
l'essentiel...
Jean, rechante quelque chose je t'en
prie, toi, qui en voulais à D'Ormesson de déclarer, déjà dans le Figaro,
qu'un air de liberté flottait sur Saigon, entends-tu
dans cette campagne mugir ce sinistre Guéant qui ose déclarer que
toutes les civilisations ne se valent pas? Qui pourrait le chanter
maintenant ? Pas le rock français qui s'est vendu à la
Première dame de France.Ecris nous quelque chose à la gloire de
Serge Letchimy qui a osé dire devant le peuple français à quelle famille
de pensée appartenait Guéant et tout ceux qui le
soutiennent !
Jean, l'huma ne se vend plus aux
bouches des métro, c'est Bolloré qui a remporté le marché avec ses
gratuits. Maintenant, pour avoir l'info juste, on fait comme les
poilus de 14/18 qui ne croyaient plus la propagande, il faut
remonter aux sources soi-même, il nous faut fouiller dans les blogs...
Tu l'aurais chanté même chez Drucker cette presse insipide, ces
journalistes fantoches qui se font mandater par l'Elysée pour avoir
l'honneur de poser des questions préparées au Président, tu leurs aurais
trouvé des rimes sévères et grivoises avec
vendu...
Jean, l'argent est sale, toujours, tu
le sais, il est taché entre autre du sang de ces ingénieurs français.
Lajustice avance péniblement grâce au courage de
quelques uns, et l'on ose donner des leçons de civilisation au
monde...
Jean, l'Allemagne n'est plus qu'à un
euro de l'heure du STO, et le chômeur est visé, insulté, soupçonné. La
Hongrie retourne en arrière ses voiles noires gonflées
par l'haleine fétide des renvois populistes de cette droite
"décomplexée".
Jean, les montagnes saignent, son or
blanc dégouline en torrents de boue, l'homme meurt de sa fiente carbonée
et irradiée, le poulet n'est plus aux hormones mais
aux antibiotiques et nourri au maïs transgénique. Et les écologistes
n’en finissent tellement pas de ne pas savoir faire de la politique. Le
paysan est mort et ce n’est pas les numéros de cirque
du Salon de l’Agriculture qui vont nous prouver le contraire.
Les cowboys aussi faisaient tourner
les derniers indiens dans les cirques. Le paysan est un employé de
maison chargé de refaire les jardins de l'industrie
agroalimentaire. On lui dit de couper il coupe, on lui dit de tuer
son cheptel il le tue, on lui dit de s'endetter il s'endette, on lui dit
de pulvériser il pulvérise, on lui dit de voter à
droite il vote à droite... Finies les jacqueries!
Jean, la Commune n'en finit pas de se
faire massacrer chaque jour qui passe. Quand chanterons-nous "le Temps
des Cerises" ? Elle voulait le peuple instruit, ici et
maintenant on le veut soumis, corvéable, vilipendé quand il perd son
emploi, bafoué quand il veut prendre sa retraite, carencé quand il
tombe malade... Ici on massacre l'Ecole laïque, on lui
préfère le curé, on cherche l'excellence comme on chercherait des
pépites de hasards, on traque la délinquance dès la petite enfance mais
on se moque du savoir et de la culture partagés...
Jean, je te quitte, pardon de t'avoir
dérangé, mais mon pays se perd et comme toi j'aime cette France, je
l'aime ruisselante de rage et de fatigue, j'aime sa voix
rauque de trop de luttes, je l'aime intransigeante, exigeante, je
l'aime quand elle prend la rue ou les armes, quand elle se rend compte
de son exploitation, quand elle sent la vérité comme on
sent la sueur, quand elle passe les Pyrénées pour soutenir son frère
ibérique, quand elle donne d'elle même pour le plus pauvre qu'elle,
quand elle s'appelle en 54 par temps d'hiver, ou en 40 à
l'approche de l'été. Je l'aime quand elle devient universelle, quand
elle bouge avant tout le monde sans savoir si les autres suivront,
quand elle ne se compare qu'à elle même et puise sa morale
et ses valeurs dans le sacrifice de ses morts...
Jean, je voudrais tellement t'annoncer de bonnes nouvelles au mois de mai...
Je t'embrasse.
Philippe Torreton
On attend la réponse de...mettons... Depardieu à Trénet ? J'aurais bien dit Sardou mais bon. Ce serait de mauvais goût et c'est pas le genre de la maison.
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